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Action de l'initiative Art Not Oil, devant le Musée du Louvre, Paris, 9 décembre 2015. Photo: Clémence Seurat.

Is a museum a battlefield est le nom de la conférence que l'artiste Hito Steyerl a donné à la 13e Biennale d'Istanbul et dans laquelle elle met à nu les liens ténus qui se sont tissés entre les institutions muséales et l'industrie de l'armement. Partant de deux images a priori éloignées l'une de l'autre, celles d'un musée à Berlin et du charnier en Turquie où le corps de son amie Andrea Wolf fut retrouvé parmi d'autres cadavres, Hito Steyerl opère une brillante démonstration qui révèle l'omniprésence de l'industrie de l'armement dans l'art contemporain. Leur interdépendance complice se manifeste dans le financement et la production de leurs projets mais aussi dans l'esthétique de certaines œuvres exposées.

Is the Museum a Battlefield, Museum Battlefield.

Les actions menées cette semaine à Paris pour "sortir les pétroliers de la culture" font écho à ce titre. L'initiative Art Not Oil qui regroupe différentes associations dont Liberate Tate dénonce les connexions entre les industries du pétrole et les institutions culturelles à qui elle demande de prendre leurs responsabilités. Un rassemblement s'est ainsi tenu mercredi 9 décembre au Musée du Louvre pour réclamer le retrait de Total et Eni, les deux géants des énergies fossiles qui financent le musée. Alors qu'elles contribuent largement au changement climatique, ces entreprises bénéficient de généreuses subventions de la part des Etats et continuent de souiller en toute impunité l'air et l'eau qui ne leur appartiennent pas. En marge de la performance, des "anges gardiens du climat" manifestaient : ces créatures ailées, de jeunes (pour la plupart) femmes blanches, revendiquaient la justice climatique, pleines d'une innocence déplacée.

Exiger de nos institutions culturelles qu'elles soignent l'écologie de leurs actions, leur demander des comptes sur leur(s) (in)dépendance(s) est une manière de les re-situer dans le réel et de questionner leur ancrage dans le monde. Car elles ne peuvent nier les conséquences de leurs engagements en acceptant l'argent généré par l'extractivisme. Cependant, aussi essentiel qu'est le travail de fond mené Art Not Oil ou 350.org pour rendre effectif le désinvestissement dans les énergies fossiles, les formes expérimentées à Paris, la procession et le chant collectif de mercredi, sont à questionner et manquent de radicalité. L'initiative Criminels du climat lancée par Avaaz semble à cet égard redoutablement plus efficace, elle répond au sérieux et à la gravité imposés par la situation écologique. La plateforme a initié une campagne d'affichage dans Paris des photographies des personnes dont le lobbying et l'influence empêchent les négociations d'avancer sur la question de notre dépendance mortifère aux énergies fossiles.

Ce désinvestissement réclamé de toutes parts doit s'accompagner, rappelait Naomi Klein à Paris, du développement d'activités faibles en carbone comme l'enseignement ou les emplois sociaux qui appellent à une reconfiguration de notre politique autour du care : "when we are caring for each other, we care for the Earth". La planète est un agent avec qui il faut soigner les relations, et non une ressource à exploiter.

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