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Rassemblement Red Lines à l'Avenue de la Grande armée, Paris, 11 décembre 2015. Photo: Clémence Seurat.

L'accord obtenu dimanche 12 décembre 2015 à l'issue de la COP21 semble enfin prendre la mesure du changement climatique et affiche un objectif très ambitieux: limiter le réchauffement climatique à 1,5°C au-dessus du niveau de la période pré-industrielle. Le plus difficile est maintenant de mettre en œuvre les actions par lesquelles répondre à cette ambition car l'accord ne détaille pas les trajectoires à suivre, ne remet pas en cause le cadre du commerce mondial et n'évoque même pas les énergies fossiles dont la responsabilité dans les ravages écologiques actuels est criante.

Ce sont d'autres scénarii qui semblent pourtant se dessiner dans les arènes nationales des différentes Parties. Le mois dernier, le congrès américain a adopté le SPACE Act, dont l'intitulé précis est Spurring Private Aerospace Competitiveness and Entrepreneurship Act of 2015. Conformément aux intérêts nationaux du pays ("to meet national needs"), cette loi repousse les barrières du commerce aux confins de la galaxie en accordant à des entreprises et des citoyens américains l'exploitation des ressources minières disponibles dans l'espace et reconnaissant aux futurs extracteurs le droit de propriété sur leurs nouvelles richesses: "Toutes les ressources d'astéroïde obtenues dans l'espace sont la propriété de l'entité qui les a obtenues." Notons que l'annonce a été saluée par l'entreprise Planetary Resources qui compte parmi ses investisseurs le cinéaste James Cameron ainsi qu'Eric Schmidt et Larry Page de Google.

La loi réactive les vieux rêves de conquête spatiale alors que même que de nombreuses initiatives durant la COP21 ont cherché à fabriquer d'autres récits que celui de la colonisation de nouvelles terres à exploiter, préférant "laisser (le pétrole) dans le sol" ou défendre la vision du ciel comme un commun à se réapproprier plutôt que d'un espace de commercialisation. Le projet Aérocène de l'artiste Tomás Saraceno, dont les sculptures étaient présentées au Grand Palais, propose une alternative zéro carbone à la course au développement du tourisme spatial - une véritable catastrophe environnementale en gestation - et alerte sur les dangers du noir de carbone relâché dans l'atmosphère pour le seul plaisir des plus riches de la planète. De premiers vols sur des prototypes de ballons non polluants ont été effectués cet automne dans le désert du Nouveau Mexique aux Etats-Unis1.

Red Lines Demonstration 11 Dec

Rassemblement Red Lines à l'Avenue de la Grande armée, Paris, 11 décembre 2015. Photo: Clémence Seurat.

Ces visions politiques opposées ouvrent vers des à venir très différents. Comme le suggère la philosophe Emilie Hache dans sa préface à De l'univers clos au monde infini, en écho à une nouvelle de science-fiction écrite par Marion Zimmer Bradley, c'est au contraire à un retour sur Terre que l'écologie nous appelle. L'écologie ouvre une zone métamorphique qui renverse la logique de conquête vers des collaborations multiples qui nous ancrent sur nos territoires et nous attachent aux autres. Cette reterrestrialisation nous invite à renouveler nos modes de cohabitation et à inventer des alliances avec les espèces2 qui la peuplent dans un devenir-terrien ou devenir-terrestre3 partagé.

Dans sa conférence How to make a catastrophe out of a disaster? donnée à Bétonsalon, Timothy Morton nous a rappelé que la crise n'est pas le bon mode pour penser notre situation écologique: ce n'est pas un état d'exception dont nous sortirons bientôt ni un désastre dont nous serions extérieurs. La mutation est irréversible et la catastrophe notre nouvelle condition. Mais loin d'être une fin, elle est un départ. On pourrait commencer par là: "Start to notice how you already care".

Pour plus d'informations sur le sujet voir l'article d'Ewen Chardronnet pour Makery.Voir le Manifeste Chthulucène de Donna Haraway et particulièrement son à appel à multiplier les parentés: "Make kin not babies".Terme préféré par Bruno Latour dans Face à Gaïa, Huit conférences sur le nouveau régime climatique, Les Empêcheurs de tourner en rond, Paris, 2015.Pour plus d'informations sur le sujet voir l'article d'Ewen Chardronnet pour Makery.Voir le Manifeste Chthulucène de Donna Haraway et particulièrement son à appel à multiplier les parentés: "Make kin not babies".Terme préféré par Bruno Latour dans Face à Gaïa, Huit conférences sur le nouveau régime climatique, Les Empêcheurs de tourner en rond, Paris, 2015.